Le parc social français comptait au 1er janvier 2021 près 5,2 millions de logements dont 7% considérés comme des passoires thermiques. Pour les bailleurs sociaux, leur rénovation énergétique est un enjeu majeur. Ils doivent répondre aux objectifs environnementaux et réglementaires pour anticiper le calendrier progressif d’interdiction de mise en location des logements classés F ou G d’ici 2028. En 2019, ils ont investi 18,4 milliards d’euros, dont 11,1 milliards pour la construction neuve et 7,3 milliards en réhabilitation et entretien.
SOMMAIRE :
Objectif : la chasse aux passoires thermiques
Les initiatives et aides pour les bailleurs sociaux
Les points de vigilance pour la rénovation
Les solutions pour améliorer la performance énergétique
L’exploitation des logements sociaux
Objectif : la chasse aux passoires thermiques
Le nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE) entré en vigueur le 1er juillet 2021, renseigne sur la performance énergétique d’un logement ou d’un bâtiment. Il évalue sa consommation d’énergie et son impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre. En fonction de la performance, l’étiquette renseigne le classement énergétique du bien :
- A : moins de 70 kWh/m²/an et de 6 kg CO2/m²/an : logement économe
- B : de 70 à 110 kWh/m²/an et de 6 à 11 kg CO2/m²/an
- C : de 110 à 180 kWh/m²/an et de 11 à 30 kg CO2/m²/an
- D : de 180 à 250 kWh/m²/an et de 30 à 50 kg CO2/m²/an
- E : de 250 à 330 kWh/m²/an et de 50 à 70 kg CO2/m²/an
- F : de 330 à 420 kWh/m²/an et de 70 à 100 kg CO2/m²/an
- G : plus de de 420 kWh/m²/an et plus de 100 kg CO2/m²/an : logement énergivore
La loi Climat et résilience du 22 août 2021 intègre de nouvelles mesures pour lutter contre les passoires énergétiques dans l’habitat collectif et individuel et encourager leur rénovation énergétique.
Initialement mis en application le 1er septembre 2022, et repoussé au 1er avril 2023, l’audit énergétique à la vente devra être réalisé avant la vente d’un bien immobilier classé F ou G. Cet audit proposera des scénarios de travaux non obligatoires pour conclure une vente afin d’en améliorer les performances énergétiques. Il informera l’acquéreur sur la nature des travaux à effectuer.
Dès le 1er janvier 2023, les propriétaires de logements classés F et G auront obligation de réaliser une rénovation énergétique s’ils veulent augmenter le loyer de leur bien en location. A partir de 2025, il sera interdit de mettre en location des logements classés G, dès 2028 pour les biens classés F et à partir de 2034 pour les habitations classées E. La rénovation énergétique du parc de logements sociaux s’impose donc comme une priorité pour l’ensemble des bailleurs sociaux. Rénover dans l’enveloppe budgétaire peut s’avérer une opération ardue. Une des solutions pour atteindre les objectifs de la loi Climat et résilience porte sur la massification. Cette démarche encourage les bailleurs sociaux à innover, développer des solutions industrielles et à les massifier afin de réduire la consommation énergétique de leur parc.
Les initiatives et aides pour les bailleurs sociaux
Le plan de relance et MassiRéno
Le plan de relance lancé le 3 septembre 2020 dont l’objectif est d’accélérer les transformations écologique, industrielle et sociale de la France, intègre le financement pour la restructuration lourde et la rénovation thermique globale des logements sociaux. Une enveloppe de 500 millions d’euros a été dédiée au financement d’opérations de restructurations ou réhabilitations lourdes et à la rénovation thermique des logements locatifs sociaux sur le territoire métropolitain. La majorité de cette enveloppe a été engagée en 2021 avec la réhabilitation de 37 501 logements et prévoit le financement de 8 500 logements en 2022. Dans cette enveloppe, 40 millions d’euros ont été alloués à l’appel à projets MassiRéno (Massification de la rénovation exemplaire du parc locatif social), dont l’objectif est d’industrialiser la rénovation des logements sociaux, via 10 projets situés dans 6 régions. Avec cet appel à projets, les organismes sociaux s’engagent à la mise en œuvre de solutions industrielles performantes, innovantes et réplicables pour la rénovation énergétique de leurs logements. Le recours à des solutions bas-carbone et sobres en ressources (matériaux biosourcés et recyclés, réemploi, etc.) est également encouragée.
L’éco-prêt
La Banque des Territoires propose des prêts bonifiés pour financer les rénovations des logements en étiquette énergie D, E, F ou G en échange d’un engagement d’amélioration de la performance énergétique d’au moins 40 % de gain de consommation énergétique après travaux. Depuis son lancement en 2009, l’éco-Prêt a permis de financer la réhabilitation de 425 000 logements sociaux, soit 15 % du parc social éligible (étiquettes énergie D, E, F, G – estimé en 2010), et plus d’un quart du parc énergivore (E, F, G).
Démarche EnergieSprong
EnergieSprong est une démarche innovante originaire des Pays-Bas qui a été initiée en France en 2018. Elle est opérationnelle depuis 2020. Son objectif : déployer à grande échelle des rénovations énergétiques zéro énergie (E=0) garanties pendant 30 ans, ramener 60% du parc existant en étiquette B d’ici 2050 et 20% en étiquette A et A+.
Encore au stade expérimental sur 2 000 logements sociaux dans les Pays de la Loire et en Bretagne, cette démarche regroupe 14 organismes HLM constitués en centrale d’achat. Les travaux de réhabilitation sont réalisés en site occupé et sur une courte durée grâce à la préfabrication de blocs constructifs de façade ou de toiture. Cette démarche, qui requiert un investissement initial élevé, pourrait à terme avec l’industrialisation des rénovations conduire à une baisse des coûts.
La Fondation Abbé Pierre
La fondation Abbé Pierre soutient la création de logements sociaux performants à travers un programme de certificats d’économie d’énergie (C2E) pour lutter contre la précarité énergétique. Elle distribue des fonds à des partenaires (associations ou organismes à but non lucratif agréés, maîtres d’ouvrage d’insertion, bailleurs sociaux agissant en lien étroit avec des acteurs associatifs porteurs du projet social) ou à des producteurs de solutions de logements économes en charges. Elle a ainsi lancé en 2012 « Toits d’Abords », un programme de lutte contre la précarité énergétique au titre de la loi Grenelle 2. Il vise à aider l’émergence et la démultiplication de logements destinés à des personnes durablement exclues ou éloignées du statut de locataire.
Les points de vigilance pour la rénovation
Les opérations de réhabilitation lourdes du parc social sont complexes et couteuses. L’intervention en site occupé conduit la maitrise d’œuvre à optimiser et planifier ses chantiers pour limiter les nuisances auprès des locataires. L’opération s’avère encore plus onéreuse si elle impose le relogement des occupants pendant la période des travaux.
Une autre contrainte concerne l’amiante. Massivement utilisé dans la construction pour son pouvoir isolant, ce produit hautement toxique peut entrainer de nombreuses pathologies comme le cancer. Présent dans de nombreux bâtiments antérieurs à son interdiction en France en 1997, on estime que 3 millions de logements sociaux en 2022 en sont encore pourvus. La réglementation impose plusieurs diagnostics avant la réalisation de travaux ou de changement de locataire : le DTA (Dossier Technique Amiante) qui regroupe toutes les informations et données à jour concernant la présence et localisation de l’amiante dans le bâtiment et le DAPP (Diagnostic Amiante Parties Privatives) pour les parties privatives d’un immeuble collectif. De mauvais diagnostics – car la présence d’amiante varie en fonction des rénovations menées par les locataires – peuvent générer des couts supplémentaires, des travaux plus longs et l’obligation de reloger les résidents.
Les solutions pour améliorer la performance énergétique
La rénovation des façades
- L’isolation du bâtiment est une opération cruciale pour limiter les pertes de chaleur et réduire les déperditions thermiques. Ainsi, une isolation thermique par l’extérieur (ITE) peut baisser jusqu’à 30% des pertes de chaleur et de fait réduire les factures de chauffage des occupants. L’isolation des planchers bas contribue également à limiter les pertes de chaleurs : au-dessus d’un parking, d’une cave, d’une chaufferie, etc. Le toit représente aussi une zone importante de déperdition. une attention particulière doit donc être portée sur l’isolation des toits-terrasses et des combles. Enfin, l’isolation du réseau d’eau chaude sanitaire peut participer à une économie de près de 15% sur la facture d’énergie.
- Le remplacement des menuiseries extérieures avec des vitrages plus performants participent à l’efficacité énergétique de l’enveloppe.
- L’installation d’une ventilation mécanique contrôlée (VMC) hygroréglable permet de renouveler l’air d’un logement et régule automatiquement le débit d’air en fonction du taux d’humidité. Le logement est plus sain et les pertes de chaleurs sont réduites.
- Le recours à la préfabrication, encore couteuse en rénovation, offre cependant de belles perspectives si la filière se développe.
Des modes de chauffage moins énergivores
Le poste du chauffage peut être particulièrement énergivore si le système est vétuste. Le remplacement par un système de chauffage à haute performance énergétique comme la chaudière à condensation participe à la réduction de la facture de chauffage d’environ 30% par rapport à une chaudière à gaz classique. En outre, lorsque la commune dispose d’un réseau de chauffage urbain (RCU), le raccordement à ce dernier permet de s’affranchir des travaux d’installation et d’entretien d’une chaudière.7
L’exploitation des logements sociaux
La chasse aux déperditions thermiques et la performance de l’ouvrage sur son cycle de vie ne peut se faire sans le contrôle des consommations des résidents et du bâtiment. C’est pourquoi, le recours par les bailleurs sociaux à des outils numériques s’avère indispensable pour assurer une gestion efficace de leur parc. Les plateformes de pilotage en temps réel de la performance énergétique multi-fluide permettent par exemple de collecter les données de chauffage, d’eau chaude sanitaire, d’électricité et d’eau.
Des logiciels de gestion du patrimoine ont également été développés. Ils intègrent d’autres équipements (sécurité incendie, colonnes, ascenseurs, etc.) ou encore des maquettes 2D ou 3D avec un catalogue d’objets (menuiseries extérieures, équipements techniques et dates de remplacement, etc.). Ces outils permettent aux bailleurs d’assurer un contrôle énergétique et performanciel de leur parc et d’anticiper les travaux d’entretien et de maintenance.